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Master MEF Histoire Géo
22 mars 2012

Oral Prince et arts de l'année dernière (Hamon)

Voici un oral de Prince et arts et la correction de Philippe Hamon

COSME IER DE MEDICIS (1519-1574) ET LES ARTS

 

Intro

- un sérieux investissement : selon l’ambassadeur vénitien en 1561 : "Ce prince... prend plaisir à toutes sortes d'études ; il adore la sculpture et la peinture pour lesquelles il  fait continuellement travailler des hommes remarquables afin qu'ils accomplissent des choses exceptionnelles et dignes de son époque... Il aime beaucoup les joyaux, les statues, les médailles antiques et il possède un nombre stupéfiant d'antiques"

- une compétence inégale (sur le plan intellectuelle en particulier) mais un vrai souci d'impulsion et de contrôle

- une nécessité politique... comme chez tous mais dans un contexte spécifique (avènement d'une dynastie... pourtant déjà "ancienne")

 

I. Un ambitieux programme de construction et d'aménagement des lieux

 

1. Le nouveau complexe palatial florentin

-  autour de 1540 : du palais de la via Larga au palais de la Seigneurie (Palazzo Vecchio devenant "palais ducal") entièrement réaménagé (cf salle des 500 et destruction des fresques de Michel Ange et Vinci pour un nouveau programme piloté par Vasari) : résider au centre du pouvoir

- le palais Pitti (prolongé par les jardins Boboli) : d'abord acquis par la duchesse Eléonore de Tolède (1549), puis habité par Cosme qui laisse le plais ducal à son fils lors de son mariage (1565) ; un faux retrait pour Cosme (François son fils comme Prince-régent pour le quotidien à partir de 1564)

- le corridor de Vasari : un cordon ombilical très politique : un "chemin de ronde métaphorique" qui manifeste l'omniprésence du Prince

- les Offices (à partir de 1560, avec destruction d'un quartier) : la visibilité nouvelle de la machine étatique : capacité de Cosme à organiser et contrôler l'État

 

2. Dans les église florentines : des intervention s nombreuses

- San Lorenzo : la nécropole familiale devenant dynastique : fresques dans l'église, travaux à la Nouvelle Sacristie, à la bibliothèque Laurentienne (aménagement par Ammanati de l'escalier d'après des dessins de Michel Ange, à p. 1558-59)

- le Duomo : mettre sa marque sur la cathédrale de la cité : Baccio Bandinelli chargé par Cosme de la réfection de la clôture du chœur (1547) ; commande à Vasari d'un programme de fresques pour la coupole (1571)

- la Santissima Annunziata : s'approprier un lieu de culte urbain (la Madone de la S.A.) : placer le Prince en son centre

- la diffusion  générale des symboles médicéens "timbrant" les édifices (vaut d'ailleurs aussi pour toute la Toscane : transition)

 

3. Une intervention dans toute la Toscane

- relancer une cité en déclin : l'action à Pise : cf réaffectation et transformation du palais degli Anziani, qui devient celui de l'ordre de Saint-Etienne (travaux à partir de 1562, par Vasari) et réaménagement de toute la place, centre civique de Pise, qui devient la piazza dei Cavalieri

- les débuts d'une ville nouvelle : Livourne ; d'autres tentatives : Cosmopoli (Portoferraio) sur l'ïle d'Elbe, Eliopoli en Romagne florentine

- sécurité interne (à Florence, à Sienne) et extérieure : la politique de construction de forteresses : un "art" spécifique

 

II. Un mécénat global

 

1. des collections exceptionnelles

- commandes de peintures et sculptures : des artistes emblématiques du maniérisme, cf Cellini et ses statues "multifaciales", comme le Persée

- la tapisserie : un bien particulièrement précieux (la série de l'Histoire de Joseph, tissée en 1545 à 1552 en 20 pièces (570 x 460 cm) vaut 60 000 couronnes soit le prix de la construction d'une église moyenne ; manufacture de tapisserie installée à Florence en 1545 ; à la mort de Cosme, 327 pièces à Florence (et d'autres par ex dans la villa de Poggio a Caiano) : souvent exposition assez rare : pour les grandes occasions

- acquisition d'œuvres antiques : 1561, Pie IV offre à Cosme l'Hercule et Antée du Belvédère ; collection facilitée par allègement des interdits d'exportations pontificaux : exposition de statues à partir de 1563 au palais Pitti (salle des Niches/Nicchie)

- des "musées" bien différent s

                Le studiolo : un lieu de méditation (logique humaniste) devenant le réceptacle intime des collections les plus précieuses (logique muséale)

                Les sculptures de la logia dei Lanzi (dont le Persé de Cellini) : un espace pour tous (transition)

 

2. les instruments d'une diffusion

- la mobilisation de nombreux artistes (cf Cellini revenu de France) avec rôle central de Vasari (un des modèles de la relation privilégiée de l'artiste au Prince) à partir de 1555 (il attire de Rome dans son sillage Ammanati et Giambologna)

- la mainmise sur l'édition

- les institutions académiques : Académie florentine (1540-1541, avec modèle de l'académie laurentienne) puis Académie del disegno (1563 : rôle de Vasari et enjeu de la promotion de ces arts du dessin (architecture, sculpture, peinture), des arts mécaniques aux arts libéraux et sortie du modèle corporatif

- la contribution de tous ces acteurs, de Vasari aux Académies, aux cérémonies de la sépulture de Michel Ange (1564) à San Lorenzo

- les fêtes médicéennes : cf carnaval annuel  ; recours aux compétences des humanistes (dont Vincenzo Borghini, aussi mobilisé par ex pour le Palazzo Vecchio) : fêtes du mariage de François (fils et successeur de Cosme Ier) et de Jeanne de Habsbourg fin 1565-début 1566 (sur trois mois) dont la mascarade de la généalogie des Dieux : allégories très complexes et pas toutes accessibles : cf nécessité d'un Prince récent (et qui s'unit dans la famille impériale) de mettre la barre culturelle très haut (transition)

 

III. Les logiques de l'action de Cosme

 

1. Exalter le Prince

- une dimension "classique"...

- les deux grandes méthodes

                - promotion du Prince sous d'autres figures : antiques (Camille dans le cycle de Salviati de la salle de l'Audience du Palazzo Vecchio  (vers 1545) ; vers la fin du règne : figure d'Auguste (cf statue de Vincenzo Danti) comme personnification de l'État ; bibliques : Moïse dans les fresques de la chapelle du palazzo Vecchio par Bronzino , saint Jean-Baptiste (patron de Florence) dans portrait de Bronzino (1562) ; mythologiques : portrait de Cosme en Orphée (1538, Bronzino)...

                - promotion du prince en tant que tel : nombreux portraits (peinture : Bronzino ; bustes sculptés par Cellini ou Baccio Bandinelli) ; production de médailles (400 en cuivre ou laiton payées en 1552 au médailleur Domenico di Polo) ; 226 représentations de Cosme conservées ou documentées (Karla Langedijk)

=> des publics variés pour l'exaltation princière, en fonction des modalités (Orphée pour un petit cercle, par exemple)

- une position originale : un Prince héritier d'une tradition républicaine, qu'il lui faut à la fois dépasser, mais en même temps assumer : significatif = le réaménagement du Palazzo Vecchio : articuler tradition et nouveauté : "ramener les membres épars de ces vieilles pièces en un corps unique" (Vasari)

- dépolitiser certains espaces ? cf la loggia dei Lanzi, ancien lieu de réunion des assemblées, qui devient un musée de sculpture (mais où certaines peuvent prendre un sens politique lié au Prince : cf Persée qui tue la Gorgone : le Prince qui écrase ses ennemis ?)

situation découlant d'une position familiale très particulière (transition)

 

2. Asseoir la dynastie

- la mise en avant de l'épouse et des fils : une succession assurée

- la promotion d'une famille ancienne et prestigieuse, surtout dans d'autres branches que celle de Cosme lui-même, simple cousin éloigné d'Alexandre, son prédécesseur : cf par ex le programme de l'appartement de Léon X au Palazzo Vecchio, qui honore tous les grands personnages de la famille, mais comme hommes d'Etat et mécènes, pas comme banquiers et marchands...

- la querelle de préséance avec les Este et la quête d'une promotion par le titre : octroi de la dignité grand-ducale par le pape Pie V en 1569 (et couronnement à Rome en 1570) : cf buste de Baccio Bandinelli (réalisé vers 1557) qui reçoit la couronne grand-ducale en 1589. Effets culturels dans l'allégeance à la papauté et l'orientation catholique orthodoxe prise dans les années 1560.

Titre nouveau lié à espace nouveau (transition)

 

3. Un territoire nouveau : une unité par la culture ?

- un épisode majeur : la victoire sur Sienne (1555) : forte exaltation (fresque de Vasari dans la salle des 500 du palazzo Vecchio) et plus globalement cette salle comme illustration de la mise au pas de la Toscane.

- les jardins du Castello, villa du père de Cosme (Jean des Bandes Noires) réaménagés à partir 1538 : image symbolique et analogique du territoire toscan et de son contrôle par le bon gouvernement du Prince.

- la promotion d'une nouvelle origine prestigieuse (via les Académies, et l'édition) : l'Etrurie et les Étrusques (fondée par Noé et Hercule, pouvoir antérieur à Rome et indépendant de lui) : exaltation du toscan, supérieur à cause de ses origines étrusques prétendues

- la promotion de l'histoire artistique toscane : cf 2e édition des Vite de Vasari (1568) : renforcement du caractère "toscano-centré" de l'œuvre (ave rôle essentiel du mécénat Médicis)

 

Conclusion

- un exercice de la magnificence, très opératoire, aussi bien dans l'héritage aristotélicien (pour la communauté) que sous la forme nouvelle prônée à la Renaissance (pour soi-même, en fonction de ce qui convient et de sa dignité = ici élaboration de cette dignité comme enjeu central)

- une figure princière qui reste valorisée dans les règnes suivant : cf statue équestre de Giambologna place de la Seigneurie (1587-1593) ; il reçoit de Jupiter la couronne de l'immortalité au milieu de l'Olympe sur une fresque de Pierre de Cortone au palais Pitti (années 1640)

- mais pas le seul "fondateur" exalté : cf place des figures antérieures (Cosme l'Ancien, Laurent le magnifique) et parallèles (les papes Léon X et Clément VII) dans la promotion durable de la dynastie

Et dans celle du "mythe florentin" de l'art et du tourisme contemporain... et ce sont eux qui l'ont finalement emporté aujourd'hui.

 

 Aurélien Fréhel

 

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